Manger bio ou local

Nutrition

Au Québec, plus de 1 500 entreprises produisent, transforment ou distribuent des aliments biologiques. En vous les procurant, vous achetez non seulement bio, mais vous encouragez l’économie locale et préservez l’environnement. 

Ainsi, malgré le fait que les produits biologiques soient souvent plus dispendieux, ce marché est en pleine expansion au Québec. Les raisons évoquées pour acheter des aliments biologiques : préserver l’environnement, protéger la santé humaine et la santé animale. En effet, les aliments issus de l’agriculture biologique subissent un sort différent de l’alimentation dite conventionnelle. Les herbicides sont remplacés par un désherbage mécanique ou manuel, les hormones de croissance sont remplacées par des périodes d’élevage plus longues, les engrais chimiques de synthèse sont substitués par du compost ou des engrais verts et les aliments bios ne contiennent pas d’OGM. 

Est-ce vraiment biologique ? 
« L’appellation biologique est encadrée par une loi du gouvernement du Québec. Cette loi exige que tous les aliments portant l’appellation biologique soient certifiés par un organisme de certification officiellement reconnu. Par conséquent, tous les aliments biologiques doivent porter le nom de l’organisme qui les a certifiés. »1 Mais qu’en est-il de vos producteurs agricoles locaux, qui ne sont pas bios ? Les agriculteurs « conventionnels » sont nettement plus nombreux que les producteurs biologiques au Québec. Font-ils des efforts dans le même sens que l’agriculture biologique ? Sont-ils si loin du bio qu’on peut le croire ? 

Producteurs locaux, mais pas loco*
Pour répondre à cette question, je suis allée rencontrer deux passionnés d’agriculture : Marc-André Roussel et Marie-Noël Bérubé de l’entreprise familiale ROU.G.I. et fils inc. à Sainte-Sabine2. Ayant étudié à l’Institut de technologie agroalimentaire de St-Hyacinthe, travaillant au sein de l’entreprise familiale, et habitant près des champs avec leurs deux enfants, ils ont à cœur la santé et le respect de l’environnement. Sans être certifiés biologiques, ils m’ont partagé les efforts qu’ils mettent de l’avant, avec l’aide d’agronomes, pour éviter d’utiliser inutilement des produits chimiques pour les légumes et fruits qu’ils vont, eux aussi, consommer.
*Fou en espagnol

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Prévenir plutôt que guérir grâce aux prédateurs
Pour prévenir l’apparition de maladies, les producteurs ont plus d’un tour dans leur sac. En visitant leurs serres, j’ai pu voir des « prédateurs » installés sur quelques plants, avant même que les insectes nuisibles soient détectés. Un petit sachet (Photo 1) contient des acariens et de la vermiculite pour les nourrir. Les acariens prédateurs se nourrissent aussi des œufs des petits vers nommés thrips. Ces derniers, si non contrôlés, peuvent causer des dégâts importants aux légumes et aux fruits. Puisque les thrips se nourrissent de la sève des plantes qu’ils attaquent, la photosynthèse s’en voit donc limitée, provoquant ainsi des déformations, de la décoloration, des bosses brunes et des retards de croissance sur les végétaux. Utiliser les acariens est une façon de faire une lutte biologique et non chimique aux insectes ravageurs sans perdre la récolte. 

Outre les acariens, certains biofongicides, qui sont en fait des champignons en poudre pulvérisés sur les feuilles des plantes (Photo 2), sont utilisés pour prévenir l’apparition d’autres champignons ou moisissures nocives comme la moisissure grise. Ce type de traitement biologique est toutefois possible pour les cultures de serres, mais difficiles dans les champs puisque la pluie vient « laver » le biofongicide et donc réduire sa protection. Le contrôle de la ventilation, de la température et du taux d’humidité est aussi très important en serre, puisque peu de soleil et beaucoup d’humidité favorisent l’apparition de maladies. 

Utiliser le filet chasse-moustiques comme bouclier
Il n’y a pas que votre cousin qui porte fièrement un filet chasse-moustiques lorsqu’il va à la pêche. Les radis et la grande famille des crucifères (chou, chou-fleur, chou de Bruxelles, brocoli, etc.) bénéficient eux aussi d’un filet qui, apposé au-dessus de ces légumes, empêche les papillons d’y pondre leurs œufs. Oh ! Les beaux papillons… Pourquoi vouloir les chasser ? Malheureusement, avant d’être papillon, il sera chenille dévoreuse de chou, pouvant engloutir une partie des plants ou les tâcher avec leurs déjections foncées. À vos filets, toute !

D’abord dépister, ensuite agir
Avec des agronomes, les agriculteurs inspectent régulièrement les champs et les serres et font des analyses afin de connaitre quels insectes sont présents. Cette étape est cruciale, afin de déterminer le bon traitement. Il ne faut pas tuer les insectes bénéfiques ! Par exemple, il n’y a pas que les thrips ravageurs, il y a aussi des bons thrips mangeurs de mauvais thrips. Et s’il n’y a pas de prédateur, aucun pesticide n’est utilisé. C’est logique, et économique. Tout le monde y gagne. Le producteur sauve des coûts, l’environnement est épargné et la santé (des agriculteurs et des consommateurs) est protégée. Il faut se rappeler que bien des producteurs maraichers locaux épandent eux-mêmes les produits chimiques qu’ils emploient, ou habitent près des champs qu’ils doivent traiter. C’est donc en premier pour eux que le risque à la santé est le plus élevé. Ils ont donc tout avantage à n’utiliser des produits chimiques qu’en dernier recours, c’est-à-dire quand il n’y a pas d’autres options et que sans traitement, la récolte serait perdue. Soyez aussi assuré qu’au Québec, des normes assez strictes doivent être respectées quant au moment de la cueillette après avoir épandu des pesticides. 

Dynamiser la production par la rotation
Dans les serres de la ferme ROU.G.I., on procède notamment à 3 changements de cultivars par année pour les concombres. Pourquoi une telle rotation ? La rotation est un élément clé de l’agriculture durable, permettant une lutte active contre les maladies et les ravageurs. Chaque sorte de concombre a ses particularités. Certains concombres résistent mieux à l’humidité, d’autres à tel type de prédateur. Connaissant les propriétés des cultivars et les ennuis rencontrés selon la période de l’année, ils peuvent ainsi changer la dynamique de la serre afin de protéger leurs récoltes. 

Consommer plus de fruits et légumes et moins de pesticides
1- Lavez vos fruits et légumes
- Qu’ils soient bios ou non, les laver permet d’enlever la saleté présente sur ces végétaux, qui sont quand même manipulés par plusieurs personnes avant d’arriver dans votre frigo.
- Le lavage permet d’éliminer une partie des pesticides présents à la surface. Faites couler l’eau et frottez pendant quelques secondes à l’aide d’une brosse à légumes.

2 - Pelez lorsque possible, ou achetez bio
Enlevez donc la pelure des légumes et fruits contenant le plus de pesticides de la liste Dirty Dozen 3 de l’Environnemental Working Group (EWG) 4 : fraises, épinards, nectarines, pommes, pêches, poires, cerises, raisins, tomates, poivrons rouges, pommes de terre, piments forts.

3 - Évitez les pesticides
Optez pour les légumes et fruits contenant le moins de pesticides de la liste Clean Fifteen 5 de l’EWG : maïs sucré, avocats, ananas, choux, oignons, petits pois congelés, papayes, asperges, mangues, aubergines, melons miel, kiwis, cantaloups, choux-fleurs et pamplemousses.

4 - Informez-vous sur les pratiques de votre producteur local
Par exemple, les fraises récoltées à la fin juin lorsque la température est sèche contiennent généralement moins de pesticides que celles produites lors d’un automne pluvieux. La météo et ses conséquences sur la présence d’insectes peuvent donc influencer le contenu en pesticides.

5 - Ne vous privez pas d’en manger
Rappelez-vous que les bénéfices de consommer des légumes et fruits (éléments nutritifs contenus dans ces aliments) surpassent leur contenu en résidus de pesticides. 

MARJOLAINE MERCIER, DT. P.
Nutritionniste-diététiste et détentrice d’un certificat en psychologie.
Présidente des Cliniques M. Nutrition sur la Rive-Sud de Montréal.

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Par Marjolaine Mercier

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