NICOLE BORDELEAU: Un nouveau souffle

Entrevue

Depuis près de deux décennies, le nom de ­Nicole ­Bordeleau est devenu une référence en matière de ­mieux-être. Celle qui accompagne des milliers de gens en quête de réponses aux possibles chaos du quotidien espère se réinventer chaque jour de sa vie. Rencontre avec une femme inspirante.

Nicole, enseigner le yoga et la méditation est le noyau de votre existence. Expliquez-moi pourquoi vous avez eu besoin, dans la dernière année, de prendre du recul face à votre mission ?
Cela faisait 16 ans que Hélène Dalair et moi-même avions fondé YogaMonde. Au bout de tout ce temps, il était plus que normal de commencer à remettre en question notre enseignement sous cette forme-là. Posséder un studio de yoga avec une grande équipe qui y donnait plusieurs cours par jour et avoir des milliers d’étudiants, ça nous rendait fières, mais nous avions besoin de prendre de nouveaux risques. Nous avons donc décidé de tout vendre et de vider le centre pendant plusieurs mois, ne sachant pas si nous allions y revenir. Notre but premier était de voir si nous voulions renouer nos vœux avec ce style de vie. Sacrifier tous ses week-ends et ses soirées, ce n’est pas rien. La réflexion a duré près de six mois. Nous voulions garder toutes les portes ouvertes et voir ce que la vie nous réserverait. Un jour, en pleine méditation, la réponse m’est venue. J’en ai donc parlé à Hélène et, rapidement, c’est devenu une évidence. Nous voulions ouvrir un centre de méditation avec du yoga en complément. Notre bel espace, que nous avions déserté quelques mois plus tôt, était toujours libre. Nous avons profité de l’occasion pour repeindre et redécorer avec la même énergie, la même fougue et avec toute cette belle naïveté qui nous habitait il y a 16 ans. Nos doutes se sont vites dissipés. Nos professeurs et nos étudiants sont revenus, et nous avons su que c’était ce qu’il fallait faire. Notre but s’est précisé : faire connaître la méditation comme outil essentiel pour parvenir à prendre soin de son esprit et pour solliciter son attention.

Le yoga est définitivement très à la mode depuis quelques années. Que pensez-vous de ces classes qui misent plus sur la performance physique que sur une démarche intérieure ?
Vous savez, je me suis beaucoup questionnée bien humblement sur l’avenir du yoga. Je viens d’une génération qui devait pratiquer sans cesse avant d’enseigner. Nous devions avoir atteint près de 500 heures d’étude et 800 heures de philosophie avant de pouvoir assister un professeur... mais il faut accepter de voir la société évoluer. La grande force du yoga, c’est que, même si l’on change son apparence, il reste que sa forme profonde, celle qui vient de la tradition, demeure intacte. À quelque part, je me dis que ce n’est pas important de savoir quelle porte empruntent les gens pour arriver au yoga. Il faut voir pourquoi ceux-ci décident d’y rester.

Nicole Bordeleau un nouveau souffle_Entrevue

©@Laurence Labat - Magazine Mieux Etre

Nicole, quand les gens se tournent vers vous, ils savent qu’ils seront en bonnes mains. Vous voyez-vous aujourd’hui comme une référence ?
Tout d’abord, merci ! Ce que vous dites me touche profondément, car ma pratique personnelle, c’est aussi de demeurer cohérente entre ma façon de vivre et ce que j’enseigne. Les jours où ça me tente moins de m’installer sur mon tapis ou de m’asseoir sur le banc, je tente de me rappeler pourquoi j’ai choisi cette voie. J’ai une responsabilité envers ceux et celles qui me suivent. Je reste bien humble, car je suis un être humain qui pète encore les plombs. Je vis souvent des moments d’impatience et je demeure pour toujours une étudiante. Le jour où je me croirai assez forte pour devenir maître, j’aurai de sérieuses questions à me poser.

Vous dites qu’il n’y a pas que les enfants qui souffrent de déficits d’attention mais bien toute une société. Que voulez-vous dire ?
Vous savez, la technologie est quelque chose de fabuleux. Ça nous a ouvert sur tout un monde, mais quelque part, ça nous a aussi déconnectés, non seulement des uns envers les autres, mais aussi envers nous-même. Je crois sincèrement que le yoga ou la méditation permet, à celui ou à celle qui en fait la pratique, de se retrouver. Ne serait-ce que quelques minutes par jour, il est essentiel de renouer avec nos sensations corporelles et avec notre souffle. Être au cœur du moment présent nous donne une petite dose d’humilité. L’être humain en a besoin pour survivre au stress du quotidien. Quand on revient au corps, on revient aux sources, et on se retrouve plus facilement ainsi.

Vous avez certainement changé la vie de milliers de gens. Sentez-vous cette responsabilité ?
Complètement ! Je reçois au quotidien de magnifiques témoignages mais, de mon côté, je n’oublie jamais qu’à la base, c’est la personne qui fait le travail. Je connais trop de gens qui possèdent des tonnes d’ouvrages spirituels, qui ont rencontré les plus grands maîtres mais qui, concrètement, ne pratiquent rien de tout cela. Vous savez, j’ai eu 60 ans en septembre dernier, et le fait de grandir à travers l’œil du public m’a forcée à prendre du recul. Je devais faire une sorte de bilan pour mieux voir ce que j’avais appris sur moi à travers le parcours des autres. Cette réflexion m’aura d’ailleurs amenée à écrire un nouveau livre.

De quoi aviez-vous envie de parler cette fois ?
C’est le livre le plus intime que j’ai écrit à ce jour. Il m’a tout demandé, tout enlevé et puis, il m’a tout redonné. C’est un livre sur le souffle. Je devais écrire sur ce sujet. Le yoga et la méditation sont à la source de ce que je suis devenue. Tout est là, tout y est… C’est ce que le bouddha disait, et c’est tellement vrai. Les gens auront entre leurs mains un outil où j’ai mis tout ce qui m’a permis de me reconstruire, de traverser la peur, de transcender la douleur et de calmer mon esprit.

Vous serez bientôt publiée en France aux éditions Robert Laffont. Vous pouvez nous en dire davantage sur ce livre à paraître ?
Mes années d’expérience en tant que maître en yoga et professeur de méditation m’ont enseigné que le souffle est un trésor au potentiel illimité. Cet ouvrage qui s’intitulera Respire – Un souffle profond peut tout changer a pour but de vous guider à la rencontre de ce qu’il y a de plus intime et de plus vivant en vous-même : votre souffle. Vous apprendrez comment renouer avec votre respiration, ce qu’elle révèle de vous-même dans telle ou telle situation et comment bénéficier des pleins pouvoirs de votre souffle. Ici, il n’est pas question de pouvoirs magiques, mais bien d’une force intérieure et d’une plénitude d’être qui découlent naturellement d’un souffle ample et profond. Personnellement, j’ai vécu une grande partie de ma vie essoufflée. J’ai passé des mois et des années à courir après mon souffle. Mais après avoir traversé tant de jours et de nuits à vivre en apnée, j’ai le bonheur maintenant de savoir respirer la vie de tout mon être.

Ce livre est le cinquième que vous avez écrit. Il représente quoi par rapport aux autres ?
C’est celui qui manquait, c’est celui qui vient boucler la boucle. C’est une offrande que je fais au lecteur. L’écriture est un exercice solitaire, mais qui permet aussi d’échanger avec celui qui vous fait entrer dans son monde. J’ai très hâte de partir à la rencontre de ceux et celles qui m’auront donné la chance de me retrouver encore une fois.

VALÉRIE GUIBBAUD
Journaliste, animatrice et auteure • Facebook : Valerieguibbaudradiotele

Par Valérie Guibbaud

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