Se construire une belle vie

Entrevue

Comment parvenir à se reconstruire et à faire de nouveau confiance après avoir été complètement brisée ? Selon Ingrid Falaise, il faut d’abord se tourner vers l’avenir sans toutefois nier le passé. En publiant son histoire, elle est devenue pour des centaines de femmes et d’hommes un modèle de résilience. Elle porte aujourd’hui, sur ses épaules, une responsabilité qu’elle tente d’honorer jour après jour. Rencontre avec une force pas du tout tranquille.

Ingrid Falaise

©Jimmy Hamelin - Magazine Mieux Etre

Depuis la sortie de son livre Le monstre, en 2015, Ingrid a vu sa vie prendre un tout autre tournant. En brisant le silence sur cette violence physique et morale qu’elle a subie, elle est devenue la voix de ceux qui n’avaient pas encore osé parler. Dernièrement, elle a eu besoin de faire un bilan sur ce chemin qu’elle n’avait pas prévu emprunter. « Comme tout le monde, ma vie se déroule parfois comme dans des montagnes russes. Ce n’est pas toujours facile. Après la naissance de mon fils, Émil, j’ai ressenti un immense vide s’emparer de moi. Je venais d’écrire mon deuxième livre, j’accumulais les apparitions publiques et les entrevues, je donnais beaucoup aux autres et, tout à coup, mon corps a été pris d’une immense fatigue. Ça m’a forcée à ralentir et à voir tout ce que j’avais accompli. Une grande fierté est ressortie de ce bilan. Je ne pouvais pas croire que la petite Ingrid était enfin devenue grande. »

Le point tournant du parcours d’Ingrid est certainement sa rencontre avec l’homme de sa vie, Cédrik. « J’ai commencé à être sur mon X au moment où il est entré dans ma vie. Pour la première fois, j’avais envie d’être vulnérable et de m’ouvrir à quelqu’un. Je voulais être amoureuse et je m’en suis donnée le droit même si j’avais peur. Je ne pouvais pas laisser passer cette chance. Grâce à cette ouverture nouvelle et à cette confiance mutuelle, j’ai pu parler pour la première fois du monstre sans me mettre un masque. C’est ainsi que l’idée d’écrire mon histoire m’est venue. »

Replonger dans notre passé est un exercice périlleux. Personne n’a envie de souffrir inutilement, mais Ingrid croit que c’est le premier pas vers une guérison profonde. « Quand on entre à l’intérieur de soi et qu’on fait le choix de plonger pour visiter ses blessures, c’est là que la magie arrive. C’est là qu’on peut renaître. L’écriture est devenue mon exutoire, mon chemin vers la guérison. »

Son livre de chevet ?
« Votre chemin de vie, de Dan Millman. C’est un ouvrage qui porte sur la numérologie, et je m’en sers pour comprendre un peu mieux mon quotidien. »

Son rituel beauté ?
« Étant porte-parole de la clinique Concept Dermo Esthétique, j’ai la chance d’utiliser de merveilleux produits. Je prends une perle d’eau pour mon visage, que je nettoie ensuite avec de la vitamine C en plus des crèmes de jour et de soir. »

Le succès que connaissent Le monstre et Le monstre, la suite a permis à son auteure d’être validée par ceux et celles qui ont vécu la même histoire. Elle a été accueillie par le public en brisant le silence. À travers les milliers de témoignages, Ingrid a compris qu’elle ne se sentirait plus jamais seule et a cessé de se juger. « Le public est venu m’enlever toute la honte que je portais en moi. Ç'a été tellement libérateur. Je suis d’ailleurs convaincue que, sans cette guérison, je n’aurais jamais pu devenir mère. J’ai fait de la place pour laisser entrer du bon et du beau dans ma vie, et la naissance de mon fils me confirme tous les jours que c’est ce que je devais faire. »

La série, qui a porté au petit écran l’histoire d’Ingrid, est venue boucler la boucle de ce morceau de vie. « C’est en fait la finalité de mon histoire. Briser le silence peut sauver des vies, et ç'a été le cas pour moi. » Avec ce partage vient aussi une grande responsabilité : accompagner toute personne qui aura besoin de se libérer pour continuer à vivre. « C’est vrai que la responsabilité est immense. Je suis souvent la première personne à qui les gens écrivent. Ce n’est pas toujours simple d’honorer cette confiance, car il y a des jours où je suis épuisée et que je suis incapable de répondre dans l’immédiat à la personne qui est dans le besoin. Je me sens parfois coupable, mais je finis toujours par répondre à tout le monde. Je ne suis ni thérapeute ni psychologue, mais je connais tellement le sujet que ceux et celles qui viennent se confier à moi y voient une chance unique de se faire comprendre par un des leurs. Je suis très proche de mon auditoire car je respecte chacun de mes lecteurs. »

Donner est très gratifiant, mais il faut aussi tendre vers un équilibre, celui de ne pas s’oublier au détriment des autres. « Je me dois d’être honnête. J’ai beaucoup de difficulté à m’accorder du temps pour moi en ce moment et, surtout, à dire non. Dans le métier que j’exerce, j’ai connu tellement de moments difficiles, des creux comme on dit. Je me souviens, alors que j’écrivais mon premier livre, d’avoir appelé Chantal Fontaine pour lui demander de me faire une place comme serveuse dans son restaurant. Je n’avais pas le choix : je n’avais plus d’économies. En ce moment, c’est vrai que j’ai beaucoup d’offres ; je dis oui à tout, car je sais à quel point c’est un privilège et je ne sais pas combien de temps ça durera. J’aime quand ça va vite et quand je peux toucher à mille et un projets. Cet équilibre est difficile à atteindre, et ma façon de m’en approcher est de consulter ma psychologue une fois par mois. Je prends aussi le temps de me faire masser, car ça me fait le plus grand bien. »

Prendre soin de soi peut effectivement arriver par plusieurs chemins, et celui qu’Ingrid préfère est celui qui lui permet de passer le plus de temps en famille. « J’aime être avec mon amoureux, je ne me lasse jamais de sa présence. Avoir des projets ensemble comme l’émission Notre premier flip, diffusée sur les ondes de Canal Vie cet automne, nous rend si heureux. La conciliation travail-famille est un concept qui existe chez nous, et ça me rend bien fière. Quand je ressens le besoin de me retrouver seule avec mon chum, nous nous organisons une soirée en amoureux, nous nous faisons beaux et nous sortons en ville. De plus, j’ai la chance d’avoir mon fils avec moi puisqu’il n’est pas encore à la garderie ; je m’efforce de savourer chaque journée passée à ses côtés. »

Se construire une belle vie, c’est exactement la promesse qu’Ingrid s’était faite à elle-même il y a déjà quelque temps. « C’est en plaçant une pierre à la fois que je réussirai à construire le château fort dont j’ai rêvé. Je me souviens du moment où j’ai rencontré Cédrik : nous étions tous les deux comme de vieilles maisons, avec des murs croches, mais des bases solides. Depuis, nous nous efforçons de rénover le tout avec beaucoup d’amour. Nous sommes la preuve que des ailes, même brisées, peuvent repousser. Pouvoir aujourd’hui briller à ses côtés et le voir rayonner à son tour est tout simplement merveilleux, et nous sommes bons l’un pour l’autre. »

Ingrid a non seulement le bien-être des autres à cœur mais aussi celui de notre planète. Elle est associée à l’entreprise canadienne ORAKI. « Cette compagnie fabuleuse fabrique des pantalons de yoga à partir de bouteilles de plastique recyclées, et très bientôt, je vais avoir ma propre collection de pantalons. Avant de devenir maman, je pratiquais régulièrement le yoga. Maintenant, même si le temps me manque pour en faire autant que je voudrais, j’ai gardé les bases de ces enseignements que je tente d’appliquer à mon quotidien. Pour tendre vers un équilibre, il faut se faire un devoir d’y travailler un peu, tous les jours de notre vie. »

VALÉRIE GUIBBAUD 
Journaliste, animatrice et auteure.
Facebook : Valerieguibbaudradiotele

Par Valérie Guibbaud

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