La magie de l'empathie

Réflexion

De nos jours, les nouvelles technologies ont envahi nos vies. De nombreux adultes possèdent un téléphone cellulaire, communiquent via leur page Facebook et passent des heures à jouer sur des jeux électroniques parfois très violents. De plus, certaines études démontrent que plus de la moitié des logements de certaines capitales sont occupés par des personnes seules, créant des problèmes de solitude très importants. Ces changements ont eu un impact sur la qualité des communications entre les gens et dans les familles. Est-il possible de nos jours pour le commun des mortels de goûter à la magie de la communication empathique?

Certainement, mais il faut d’abord apprendre à se connaître en profondeur pour ensuite s’ouvrir à ceux qui nous entourent. Rassurez-vous, la maîtrise de la communication empathique n’est pas réservée qu’aux psychologues et travailleurs sociaux. Tous les parents, professeurs, parents et gestionnaires gagneraient à développer cette compétence.

Avant tout, il convient de bien définir les concepts d’empathie et de sympathie. Au cours d’une communication empathique, l’écoute est active, positive, sans jugement ni tentative d’influencer la pensée de l’autre. Il va sans dire que la manipulation n’a pas sa place dans la communication empathique. Le communicateur empathique peut reconnaître l’émotion de son interlocuteur, la nommer, l’accueillir et la faire évoluer pour le bien-être de son interlocuteur. En d’autres mots, il a la capacité de se mettre dans les souliers de son interlocuteur et lui offre son écoute sans perdre sa propre identité ni obligatoirement approuver le contenu de ses idées. On peut dire qu’il agit comme catalyseur pour aider son interlocuteur à trouver une solution à ses problèmes. D’autre part, la sympathie implique une fusion des émotions. En plus de reconnaître les émotions de l’autre, vous la ressentez comme lui. Toutefois, cette fusion n’aide pas un individu à progresser vers la résolution de ses problèmes.

Certes, il se sentira bien appuyé, par contre, la sympathie risque d’évoluer vers la pitié inutile et, jusqu’à un certain point sera nuisible. La communication empathique a pour base un contenu émotif qui évolue au fil du dialogue. Le communicateur travaille par étapes, telles qu’illustrées dans la page suivante. Tout d’abord, il s’applique à percevoir les émotions. Une fois qu’il les a ressenties, il les identifie (joie, colère, déception). Une fois ces premières étapes franchies, il commence son travail d’investigation pour comprendre les motivations profondes de son interlocuteur. Pour y arriver, il posera des questions ouvertes et laissera son interlocuteur s’expliquer et découvrir ses motivations. Évidemment, cette étape est exempte de jugement, d’abus de pouvoir ou de manipulation. Enfin, il peut aider son interlocuteur à travailler pour faire évoluer ses émotions. Par exemple, entre les mains habiles d’un communicateur, un individu en colère peut évoluer vers des émotions plus calmes, et même devenir créatif pour résoudre ses problèmes.

Les émotions au cours d’une conversation empathique
• Percevoir les émotions
• Les identifier et les classifier
• Les investiguer et les comprendre
• Les travailler pour faire évoluer

Voici deux histoires de communication empathique que j’ai vécues au cours de ma carrière de médecin de famille.

J’ai mal à ma cheville
Un soir, j’étais à l’urgence. J’ai évalué une jeune fille qui avait mal à la cheville. Elle pleurait à chaudes larmes et montrait des signes d’anxiété importants. Après avoir évalué la cheville et analysé les radiographies, je suis allée la revoir pour lui annoncer qu’elle souffrait d’une entorse. Je lui ai remis une prescription d’analgésique ainsi qu’un billet d’arrêt de travail de deux semaines. La pauvre éclata en sanglots à nouveau et devint inconsolable. Moi qui pensais lui annoncer une bonne nouvelle en lui apprenant qu’elle n’avait pas de fracture et qu’un peu de repos suffirait à la remettre sur pied… Il me fallait découvrir la raison de sa détresse. Quand je lui ai demandé la cause de son chagrin, elle me répondit qu’elle étudiait depuis un an pour devenir hôtesse de l’air. Son examen final devait avoir lieu le lendemain. Elle avait besoin d’être en forme pour passer les épreuves pratiques. Une pause de deux semaines l’obligerait à attendre la prochaine séance d’examen qui avait lieu l’année suivante. Pour la calmer, je lui offris de bien protéger sa cheville avec un pansement rigide et lui prescrivis un analgésique plus fort à prendre une heure avant l’examen. Pour m’assurer que tout se déroule comme prévu, je lui ai donné rendez-vous deux jours plus tard. Comme convenu, le surlendemain, la jeune fille se présenta à l’heure. Souriante, elle me confirma qu’elle avait très bien performé à son examen. J’ai réévalué sa cheville et refait le pansement. Avant de partir, elle me promit de prendre deux semaines de repos pour permettre à sa blessure de guérir complètement.

Ce cas illustre la puissance de la communication empathique. Une question ouverte a permis de percer le mystère de la peine de cette patiente. Malheureusement, il n’est pas toujours possible d’offrir une solution aussi gagnante. En effet, si la jeune fille avait eu une fracture, il aurait fallu lui mettre un plâtre. Et elle aurait dû attendre un an avant de réaliser son rêve.

Docteur, je ne veux pas sortir
Une étudiante en médecine faisant un stage en chirurgie vasculaire dans un hôpital anglophone de Montréal soignait une dame qui peinait à s’exprimer en anglais. Quand vint le jour de son congé, la patiente refusa catégoriquement de partir. L’équipe médicale lui donna un sursis d’une journée. Le lendemain, elle s’opposa encore plus fermement à son congé. Sans trop comprendre, les médecins acceptèrent de la garder. Il en fut ainsi pendant une semaine. Prenant son courage à deux mains, notre étudiante bilingue de deuxième année, le nez à peine sorti de ses livres, se rendit au chevet de la malade. Après quelques minutes, elle sortit de la chambre et annonça à son patron que la patiente sortirait au cours de l’après-midi. En réunion, on lui demanda comment elle avait fait pour amadouer la patiente et venir à bout de ses résistances.

Elle leur raconta qu’elle lui avait simplement demandé: «Pourquoi refusez-vous de sortir?» La dame répondit candidement: «J’ai peur de tomber dans l’escalier, car je demeure au deuxième étage, et il n’y a pas d’ascenseur.» Sur ce, la stagiaire lui offrit des services de physiothérapie et de soins infirmiers à domicile pour l’aider à reprendre confiance. La patiente accepta l’offre et téléphona à sa fille pour lui demander de venir la chercher.

Dans cette histoire, la jeune étudiante a eu une communication empathique avec la patiente pour comprendre ses peurs et lui offrir une solution. Dommage que la dame soit demeurée toute une semaine à l’hôpital sans raison.

À vous de pratiquer
Pour devenir un communicateur plus empathique, je vous invite à tenir un journal de vos efforts avec vos enfants, votre patron, vos collègues ou partenaires d’affaires. Les occasions de pratiquer sont multiples. Plus vous pratiquerez, plus vous vous améliorerez. Soyez le plus précis possible. N’hésitez pas à relire régulièrement ces pages. Vous serez étonné de votre progression.

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La communication empathique exige, certes, des efforts de préparation, de concentration et d’ouverture vers l’autre, mais elle rapporte au-delà de toute espérance à ceux qui la pratiquent et la maîtrisent.

Parler pour se faire comprendre et écouter pour comprendre avec son coeur sont les deux compétences fondamentales des gens qui exercent une influence positive sur leur entourage.

DRE NICOLE AUDET
Médecin de famille et auteure
Agoo, centre de santé et de mieux-être pour enfants de Laval
Éditions Dre Nicole

www.nicoleaudet.com

Par Dre Nicole Audet

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