Négociation ou manipulation?

Réflexion

Plusieurs manipulent leurs proches ou collègues pour arriver à leurs fins, mais ils se disent ou disent aux autres qu’ils négocient. Ces gens sont convaincus que c’est une façon de procéder acceptable, que sinon ils se feront avoir. Certains avancent même qu’ils écoutent leurs besoins et que les autres n’ont qu’à faire la même chose s’ils ne sont pas contents. Comment savoir ce qui est juste ?

Commençons par comprendre la différence entre les deux. Négocier, c’est discuter de choses communes en vue d’un accord. La négociation sert à être conciliant dans le but d’arriver à un compromis et d’obtenir une certaine satisfaction commune sur différents rapports. Dans une vraie négociation, les parties ne se sentent pas bafouées ni écrasées. Elles expriment librement leurs besoins respectifs pour s’entendre et elles se sentent respectées.

Manipuler, c’est chercher à contrôler l’autre en utilisant la peur ou la culpabilisation pour arriver à le convaincre.

Prenons l’exemple de la répartition des tâches à la maison entre des conjoints et leurs enfants (mais cet exemple peut très bien s’appliquer à des conjoints, à des collègues de travail ou à toute autre relation). Si l’un des parents se plaint aux autres qu’ils n’aident pas assez
– donc essaie de les culpabiliser –,
c’est de la manipulation. C’est aussi de la manipulation si un parent ne dit rien, mais agit en victime en se plaignant d’en avoir trop à faire — espérant ainsi que les autres s’offrent d’eux-mêmes —, ou s’il utilise la menace pour obtenir ce qu’il veut. Combien de parents ont menacé leurs enfants de les priver de quelque chose s’ils ne rangeaient pas leur chambre ?

Les enfants d’aujourd’hui sont excellents pour négocier. Ils vont parfois essayer de profiter de leurs parents, mais leur intention n’est pas de manipuler. Ils utilisent plutôt ce moyen pour savoir à quel point leurs parents se respectent, donc sont respectables à leurs yeux. Ils aiment bien que leurs parents fassent respecter leur espace, mais sans se sentir accusés, culpabilisés ou diminués.

Dans mon exemple, une bonne négociation serait que les quatre membres de la famille s’assoient ensemble avec l’intention d’établir une entente pour garder une maison propre où il fait bon vivre. Il est important que les parents aient fait une liste de tout ce qu’il y a à faire dans la maison toutes les semaines avant de tenir une telle rencontre. L’attitude qui se dégage des parents va permettre dès le départ aux enfants de savoir si leurs parents se respectent et les respectent. Cette attitude doit démontrer que leur grand désir est d’arriver à une entente, qui va répondre aux besoins de toutes les parties concernées. Il est important que chacun reconnaisse que tous contribuent à salir la maison et qu’il est juste et équitable que tout le monde la nettoie.

Chacun doit sentir qu’il a droit à la parole, qu’il peut faire valoir son point de vue sans que les autres fassent des commentaires désobligeants. Cela implique donc que chacun parle à tour de rôle de ses besoins, de son horaire, de ses capacités et de la façon dont il croit pouvoir contribuer à ces tâches.

Quoi faire lorsqu’une entente est conclue ?
Il est recommandé de discuter de la gestion des conséquences lorsqu’il y aura des manquements. Je suggère de laisser les enfants proposer les conséquences, car ils sont souvent plus justes à cet effet. Les enfants – même très jeunes – adorent prendre part aux décisions familiales. Ils se sentent importants. Je vous rappelle que les enfants d’aujourd’hui se considèrent comme des individus à parts égales avec tous les autres.

Ce genre de négociation demande de la pratique. Il est fort probable qu’il y ait des conflits lorsque plusieurs membres de la famille décident d’expérimenter une telle négociation pour la première fois (qui peut porter sur bien d’autres sujets que celui donné en exemple). L’un d’entre eux doit être responsable de rappeler à tous le but de la rencontre et de les inciter à respecter les opinions de chacun.

En ce qui concerne la manipulation, elle est très fréquente dans toutes les relations. Si vous voulez en prendre conscience, vous pouvez demander à vos proches de vous en faire part lorsque vous les manipulez. Par contre, ne vous sentez pas coupable, car plus on se sent coupable, plus on recommence. Vous pouvez, par exemple, leur demander de vous dire : « Est-ce que je viens d’entendre une manipulation ou as-tu l’intention de négocier quelque chose avec moi ? » Lorsqu’il n’y a pas de sentiment de culpabilité, on peut en rire et avouer plus facilement s’il y avait effectivement de la manipulation.

Dans une manipulation, il y a un gagnant et un perdant. Par contre, certains sont tellement de bons manipulateurs qu’ils arrivent à le faire sans qu’il y ait un perdant, selon leur perception, bien sûr.

Si vous êtes du genre à savoir convaincre les autres d’écouter vos besoins, sachez que ce genre de manipulation n’est acceptable qu’à la condition que vous soyez prêt à essuyer un refus. De cette façon, l’autre personne sentira qu’elle a le droit de dire non et que personne n’accusera l’autre. Cela démontrera un respect.

Pratiquez la négociation aussi souvent que possible, car c’est un excellent moyen d’améliorer les relations. C’est mieux que de vous taire et d’endurer jusqu’au jour où vous éclaterez à force d’avoir refoulé trop d’émotions. La négociation vous aidera à recevoir et à donner l’heure juste aux autres, que ce soit dans votre vie personnelle ou professionnelle.

LISE BOURBEAU
Fondatrice de l’école Écoute Ton Corps et auteure de 25 livres, dont Écoute et mange: STOP au contrôle
École Écoute Ton Corps
www.ecoutetoncorps.com • Facebook : ecoutetoncorps

Par Lise Bourbeau

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