L'art de la déconnexion

Technologie

Dans un monde où l’hyperconnectivité est la norme, il est possible de retrouver un rapport à la technologie numérique équilibré, sain et minimaliste. En apprenant à déconnecter régulièrement, le temps ralentit, on reprend son souffle et on retrouve le sens des priorités.

Internet n’existait pas, il n’y a pas si longtemps. Pourtant, il semblerait qu’on ait déjà oublié comment vivre sans. Les gens paniquent s’ils oublient leur portable à la maison, s’ils ont un mauvais commentaire sur Instagram ou si leur ordinateur leur joue des tours. Des courses aux devoirs des enfants, en passant par la gestion des comptes bancaires, tout se fait en ligne. Nos vies sont rythmées par les bips et notifications de notre téléphone intelligent. Mais cette vie hyperconnectée pose de réels problèmes pour la santé physique et psychologique de l’être humain. De nombreuses études ont montré que l’emploi du numérique accroît l’anxiété et la dépression, affaiblit les défenses immunitaires et favorise même le surpoids. La bonne nouvelle est qu’il est possible de retrouver une rapport équilibré au numérique. Alors, on déconnecte ?

Jamais sans mon téléphone intelligent
Connaissez-vous le renforcement positif intermittent ? Cela décrit le fait qu’une récompense donnée de manière imprévisible est plus séduisante qu’une récompense donnée selon un schéma connu, car elle relâche une quantité plus importante de dopamine (l’hormone du bonheur) dans le cerveau. C’est une technique que les grandes compagnies technologiques se sont appropriée et qui permet, en exacerbant notre besoin de validation sociale, de nous garder collés à nos écrans. Par exemple, lorsque vous publiez une photo sur Facebook, elle peut être likée, commentée ou ignorée. Que le résultat soit positif ou négatif importe peu, car son imprévisibilité est l’élément clé démarrant le processus d’addiction. Des recherches menées aux États-Unis et en Europe rapportent que 38 % de la population mondiale souffre de trouble de dépendance à Internet (TDI), également nommé cyberaddiction. Aujourd’hui, une personne sur quatre vérifie son téléphone toutes les 30 minutes, et 25 % des millénariaux le consultent plus de cent fois par jour. Si l’usage de la technologie numérique peut entraîner des troubles physiques comme psychiques, il est néanmoins possible de rectifier le tir par le biais d’une approche minimaliste et de quelques astuces faciles à appliquer.

Le minimalisme numérique
L’usage du numérique est un évènement récent, et on apprend à peine à utiliser cet outil au potentiel inestimable. Mais il faut également apprendre à poser des limites dans son utilisation. 

Le concept de minimalisme numérique (de l’anglais digital minimalism) a été développé par le journaliste américain 
Cal Newport.

Il s’agit d’une manière intentionnelle d’utiliser la technologie, où l’on consacre son temps en ligne à un nombre d’activités limitées, consciemment choisies pour nourrir ses valeurs et améliorer sa vie. On apprend à consommer moins, mieux et à déconnecter plus sereinement. « Ce n’est pas que nous disposons de très peu de temps, c’est plutôt que nous en perdons beaucoup », écrivait Sénèque dans De la brièveté de la vie. Une approche minimaliste du numérique permet de conscientiser notre temps en ligne et limite les dérapages chronophages et autres vortex virtuels. Réduire sa consommation numérique est également bon pour la santé. Selon une étude anglaise, après une détox numérique, 33 % des participants observaient une hausse de leur productivité, 27 % ressentaient un sentiment de libération et 25 % appréciaient plus la vie.

Comment déconnecter ?
Voici quelques astuces à appliquer pour déconnecter et créer un rapport minimaliste au numérique.

• Diminuez le nombre d’appareils numériques (téléphone, ordinateur, montre ou bracelet connectés, etc.) que vous possédez. Faites un inventaire et voyez si vous pouvez vendre ou recycler ceux que vous avez en double et ne garder que ceux qui sont vraiment utiles.

• Faites un tri dans vos applications. Ne gardez que celles que vous aimez vraiment et qui vous aident à devenir la meilleure version de vous-même.

• Essayez une détox numérique. Vous pouvez, par exemple, fermer votre téléphone tous les soirs à 19 h, mettre en place un jour sans écran par semaine ou vous inscrire dans des séjours de détox numérique organisés par certains établissements de remise en forme.

• Passez du temps dans la nature. L’immersion en milieu naturel est un bain de jouvence pour les neurones. Cela relance la créativité, apaise les yeux fatigués par le temps d’écran et détend le corps, surtout si vous en profitez pour faire un peu d’exercice. Des chercheurs anglais ont montré que seulement 20 minutes passées dans un parc urbain abaissaient la tension et réduisaient les symptômes dépressifs.

• Parlez avec un ami. Le temps passé en ligne est souvent solitaire, or le contact humain est vital à l’équilibre psychologique. Au lieu d’envoyer un courriel, pourquoi ne pas téléphoner, et même si vous suivez vos amis sur Facebook, n’oubliez pas de vous retrouver régulièrement autour d’un café.

Chaque personne est unique et possède un seuil de tolérance au temps d’écran différent, le reste n’est que bon sens. Si vous vous sentez fatigué, faites une pause, si les réseaux sociaux augmentent votre anxiété, ne les regardez qu’une fois par semaine au lieu de tous les jours, si vous mangez devant votre écran, n’oubliez pas la personne assise à vos côtés. La technologie numérique est un outil merveilleux, et il est essentiel d’apprendre à s’en servir de manière raisonnée et bienveillante afin d’en tirer le meilleur.

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La connexion en pleine conscience

Se concentrer sur sa respiration avant et pendant son temps de connexion est l’un des outils les plus efficaces pour ne pas se perdre dans les méandres d’Internet, car on reste aux commandes de ce que l’on fait. L’idée est de prendre 30 secondes avant de consulter son téléphone intelligent ou son ordinateur pour se concentrer sur son souffle. Ensuite, connectez-vous et, tout en réalisant vos tâches, essayez de garder une partie de votre attention sur votre respiration. Vous allez certainement oublier d’y penser et vous laisser happer par ce que vous faites en ligne ; quand vous sentez que vous déviez, reprenez quelques secondes sans regarder l’écran et revenez au souffle. Avec le temps, cela deviendra de plus en plus facile.

MÉLUSINE MARTIN
Chercheuse en sociologie environnementale (Sorbonne Université et James Cook University)

Mélusine est chercheuse en sociologie environnementale et en humanités digitales, et elle étudie les relations entre l’être humain et la nature dans un contexte numérique. Elle a travaillé pour le United Nations Environment Programme et le Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation.

www.cairnsinstitute.jcu.edu.au/-research-students/-melusine-martin/

Par ­Mélusine ­Martin

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