L'ambition avec un grand F
Récemment, j’ai commencé à suivre une nouvelle cliente qui m’a bouleversée. Depuis que je pratique mon métier de conseillère en développement de carrière, j’ai souvent eu devant moi des personnes plus introverties ou d’autres qui avaient eu un traumatisme provenant d’une ambiance toxique. En revanche, je n’avais jamais été confrontée à une femme aussi accomplie qui avait pourtant autant de réticence à utiliser le mot « ambitieuse » pour se décrire. Après plusieurs rencontres ensemble, j’en suis venue à la conclusion que les femmes en général n’ont pas le réflexe de se dire ambitieuses, ce qui affecte très clairement leur carrière. En fait, les femmes le sont tout autant que leurs collègues masculins, mais n’ont pas besoin de le dire : elles le sont, tout simplement.
Tout le monde connaît aujourd’hui l’Effet A et plusieurs autres initiatives visant à propulser l’engagement professionnel des femmes, afin de leur donner le courage de se dépasser et de poser des actions concrètes pour elles. J’ai un grand respect pour les projets qui encouragent tous les jours des femmes à se développer personnellement et professionnellement. Quand on ne se sent pas outillé, on fonce et on va chercher les armes nécessaires. Mais, malheureusement, je remarque que c’est pratiquement un fait accepté que les gestionnaires féminins manquent de confiance en elles par rapport à leurs homologues masculins, ce qui nuit à leurs chances de succès.
Selon cette logique, si les femmes étaient moins hésitantes et se vendaient mieux, le succès serait à elles. Néanmoins, le fait que les femmes n’ont pas accès à des postes d’influence est désormais bien documenté.
Problème de confiance ou de communication ?
Pourtant, des recherches récentes ne montrent aucune preuve d’un effet de ladite modestie féminine ni même qu’elle existe. Les femmes ne se classent pas plus bas que leurs homologues masculins dans les dimensions liées au leadership. De plus, les études ne trouvent aucune différence cohérente entre les sexes dans la confiance en soi autodéclarée. Et une étude récente donne à penser que le niveau de confiance que ressentent les femmes n’a pas de corrélation avec le degré de confiance que les autres perçoivent.
En d’autres termes, les femmes peuvent se sentir vraiment en confiance, mais les observateurs autour d’elles ne le voient tout simplement pas.
La conclusion, alors, est d’arrêter de dire aux femmes de se sentir plus confiantes, et de changer plutôt les systèmes et processus organisationnels afin que les hommes et les femmes soient traités de manière égale, sur la base de la compétence.
Une étude de Margarita Mayo, de l’IE Business School, et Natalia Karelaia, de l’INSEAD, a permis de mesurer l’apparence de confiance en soi et son impact sur la progression dans une entreprise technologique de 4000 employés, pour une femme. Cette recherche a démontré que la perception interne de confiance d’une femme n’est pas en corrélation avec le degré de confiance que cette femme dégage.
Le point à retenir n’est donc pas que les femmes devraient renoncer à développer les compétences qui renforcent leur confiance et leurs performances. C’est plutôt qu’elles doivent être conscientes de cette réalité et, sans se dénaturer, de trouver des manières de mieux se mettre en valeur dans les entrevues ou les évaluations.
Communiquer sans se dénaturer
Voici deux trucs que les femmes peuvent mettre en application dès maintenant pour mieux communiquer leur confiance en soi sans avoir l’air de changer du tout au tout.
· Demander de rendre explicites les exigences du poste que l’on occupe. En particulier, le service RH pourrait systématiquement documenter le large portefeuille de compétences (au-delà de l’expertise technique) nécessaires pour réussir. Ce qu’on appelle entre autres les indicateurs de performance devrait être précisé et mis de l’avant, de même que les compétences relationnelles. Si d’être une bonne médiatrice est un point important dans le rôle, alors de le mettre en évidence et de l’utiliser comme argument d’efficience devient facile et permet de se mettre en valeur sans trop d’effort.
· Mettre de l’avant le rôle plutôt que le titre. Il est plus efficace de dire qu’un rôle permet de faire des avancements que de viser le rôle juste parce qu’il amène un titre.
Alors, je pense à ma cliente, et je me dis que ce n’est pas si important si elle se colle l’étiquette d’ambitieuse ou pas. Pourvu qu’elle ne croie pas qu’elle manque de confiance en elle si elle ne dégage pas, aux yeux des autres, cette ambition.
La femme que je vois devant moi rêve de continuer d’avoir un impact dans sa vie professionnelle autant que dans sa vie personnelle, et met l’effort en toute confiance pour avancer vers ce qui est important pour elle.
C’est beau et c’est impressionnant, et en mettant tout ce qu’elle porte en valeur, cela n’en sera que plus rayonnant.
Marylise Champagne
Conseillère d’orientation et développement de carrière
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